De quoi les désordres actuels à l’université des Antilles sont-ils le nom ?


Voici que les vice-présidents de pôle de l’université des Antilles (UA) sollicitent les recteurs chanceliers de l’université pour l’organisation d’une réunion du conseil d’administration de l’établissement sur un seul point d’ordre du jour :
« — dysfonctionnements des conseils de l’UA et de l’établissement »
On pourrait leur demander pourquoi ils s’adressent aux recteurs et non à l’administrateur provisoire. On peut aussi se demander le pourquoi du revirement de certains, par exemple de Didier Destouches lui-même qui, dans un message à la communauté le 1er septembre 2016, saluait la nomination de l’administrateur provisoire. Que s’est-il passé entre temps ? Si la nomination d’un administrateur provisoire est apparue depuis si contestable, pourquoi ne pas porter l’affaire devant le tribunal administratif ? Mais, la préférence semble donnée aux caisses de résonnance médiatiques plutôt qu’au raisonnement ou au bon sens. Passons, cependant, pour nous questionner sur les supposés dysfonctionnements dont la demande fait état.

A l’heure actuelle, aucun conseil central de l’établissement (conseil d’administration ou conseil académique dans leur forme pleine ou restreinte) ne s’est réuni depuis la rentrée universitaire, tout simplement parce que la gestion des affaires courantes de l’établissement ne le nécessitait pas. Pour ce qui concerne le conseil académique, les aménagements du calendrier, indiqués par les recteurs dans un courrier du 21 septembre 2016, n’impliquent pas sa réunion immédiate sur le dossier d’accréditation, son chantier principal. D’ailleurs, à l’heure actuelle, les pôles n’ont pas achevé les travaux, ce qui constitue un des freins principaux sur ce dossier. Lorsque j’ai quitté mes fonctions de chargé de mission à la formation et à la vie universitaire le 01 septembre 2016, aucune des fameuses fiches « architecture de l’offre de formation » ne m’avait été officiellement transmise. Pour ce qui concerne le conseil d’administration, il appartient à l’administrateur provisoire et à ses services d’apprécier l’opportunité d’une réunion, sur un ordre du jour un peu sérieux. Quand les deux vice-présidents de pôle organisent eux-mêmes le désordre, il est peut-être d’ailleurs sage de surseoir ou du moins de s’interroger sur l’opportunité d’une réunion.

Donc, en appui de leur demande, les vice-présidents de pôle ne peuvent exciper d’aucun dysfonctionnement d’un conseil central à moins, ce qui serait un peu vicieux, de s’appuyer sur ceux qu’eux-mêmes entendent provoquer. Aucune faille majeure dans le fonctionnement de l’établissement n’est par ailleurs mentionnée. Les problèmes soulevés par le vice-président du pôle Martinique, dans son courrier à la communauté du 26 septembre, n’étaient que la conséquence des retards pris par le pôle, donc relèvent de sa responsabilité. Pour ce qui est de la commission d’exonération – qui soudain semble autant le préoccuper –, elle est en place et ne relève pas de son autorité. Quant à son collègue de Guadeloupe, les questions difficiles (locaux pour l’UFR STAPS, ressources humaines pour l’IUT de la Guadeloupe…) ne semblent guère retenir son attention. En tout cas, dès qu’il faut affronter le noyau dur du problème, il refile bien souvent le bébé à l’administration générale, et j’en parle en connaissance de cause comme ancien administrateur provisoire de l’IUT. L’administrateur provisoire de l’université et ses équipes ont plus fait sur ces dossiers en un mois de travail que lui dans la durée de son mandat, dans la lignée de ce qui se passait quand madame Mence-Caster présidait l’établissement.

En revanche, il est vrai qu’au niveau de chacun des pôles, les deux vice-présidents de pôle sont en minorité au sein de leur conseil de pôle, l’un recueillant cinq signatures pour sa demande d’élection d’un président pour deux mois, l’autre seulement quatre. Quant aux autres conseils, la commission formation et vie universitaire du pôle Guadeloupe se réunit dans des conditions bizarres depuis des mois : le vice-président, qui est censé présider l’instance, n’assiste le plus souvent pas aux travaux, se contentant de les ouvrir et de les fermer en procédant aux votes. Ce qui fait perdre du temps aux élus et invités, puisqu’il faut souvent reprendre la genèse des propositions de délibérations. En Martinique, pour cette même instance, le quorum n’est parfois pas atteint, mais elle siège quand même. Les procès-verbaux de cette instance remontent un peu aléatoirement vers le contrôle de légalité interne qu’est, en la matière, la scolarité centrale, retardant les actes administratifs nécessaires au bon déroulement des formations. Ceci oblige l’administration générale à des trésors d’ingéniosité pour que certains textes (par exemple les calendriers annuels) soient votés dans les temps par les instances centrales. Je sais de quoi je parle, ayant été jusqu’à une période récente le vice-président que ces vice-présidents de pôles appelaient à la rescousse au moindre bobo. Je n’évoquerai pas ici des commissions recherche, mais en tant que directeur de laboratoire, j’en entends peu parler. Ainsi, oui, il y a des dysfonctionnements au sein de certaines instances, mais il s’agit surtout des conseils et commissions polaires, celles que président les vice-présidents de pôle.

Il me vient alors l’idée suivante : les vice-présidents de pôle souhaitent, en fait, exposer leurs insuffisances devant le conseil d’administration et remettre leur démission. Enfin lucides, enfin cohérents ! Ceci pourrait même expliquer leur demande d’ordre du jour, dans lequel « établissement » réfèrerait à l’ensemble constitué par les deux pôles, ce qui est une hérésie. Je suppose que M. l’administrateur provisoire se ferait alors un devoir de réunir d’urgence les conseils de pôle pour élire de nouveaux vice-présidents de pôle… Non, c’est une plaisanterie, ne lisez pas cela au premier degré. Et puis, une administration provisoire courte peut être très efficace, quand elle se centre – ou bien qu’on la laisse se centrer – sur l’objectif principal qui est d’assurer la transition vers une nouvelle équipe, comme Didier Bernard l’a montré sur le pôle Guadeloupe.

Malheureusement, le paragraphe récréatif précédent étant de pure fiction, il faut s’interroger sur la motivation de cette demande, si mal fondée. A coup sûr, si l’administrateur provisoire décidait de réunir le conseil d’administration sur ce motif (enfin, en le formulant de manière correcte), certains feraient glisser le débat vers de supposés dysfonctionnements des conseils, vers des supposés dysfonctionnements de l’administration provisoire, pour chercher à évincer l’administrateur provisoire et revenir à cette histoire devenant grotesque de président pour deux mois. Cela dit, je ne vois pas quel texte permettrait d’évincer l’administrateur. Rien ne m’interdira de penser que les marionnettistes, qui agitent (ou s’agitent auprès) des vice-présidents de pôle, ont d’une certaine façon tenu la main de ceux qui ont tagué les murs de l’Amphi Mérault d’expressions claires et infamantes à ce sujet, et qui révèlent des intentions à peine cachées.

A ce stade, on perçoit encore mal le but : pourquoi un président pour deux mois plutôt qu’un administrateur provisoire pour la même période, sachant que le temps des campagnes électorales est du temps perdu pour faire avancer les projets de l’établissement, et qu’il est donc inutile d’en ajouter une pour l’élection de ce président « provisoire » ? Certains pourraient se laisser bercer par le discours qui affirme que ce président provisoire, élu par le conseil d’administration, serait plus garant d’une organisation transparente des élections « définitives » qu’un administrateur provisoire nommé par le recteur. Cette hypothèse est invalidée par le contrôle opéré sur les processus électoraux. Je vous laisse imaginer à quel point, de toute façon, les élections de l’UA seront surveillées ! Mais cette pensée serait, tout d’abord, une insulte à notre ami Jacky Narayaninsamy, administrateur provisoire, reconnu pour sa probité et parfois son intransigeance. Ensuite, c’est une méconnaissance des dispositions en matière d’élection au sein de notre université. Le Comité Electoral Consultatif est en effet composé de six membres, chacun des vice-présidents de pôle en ayant proposé deux, issus des conseils, dont deux étudiants, et la présidence de l’université les deux derniers, selon les statuts de l’institution. Ainsi, la pluralité est garantie, comme elle l’était dans la commission des statuts qui a proposé cette disposition.

Par ailleurs, il est significatif de voir qu’un proche de Fred Célimène, son ex-directeur adjoint en Guadeloupe, Vincent Valmorin a été le premier à demander, dès le 04 septembre, une commission issue de ce même conseil d’administration pour tenir le rôle du Comité Electoral Consultatif. Il est tout autant significatif de voir se déverser sur des listes de diffusion d’au moins une composante et sur les messageries professionnelles de nombreux collègues des écrits de « Julie » (Fred, sors de ce corps !) qui maintient le climat de menaces du temps des grandes heures, d’avant la révocation, et semble, quasiment, dicter leur ligne de conduite à certains. Pour preuve la prolifération des mails, messages et interventions de toutes sortes, sur l’élection d’un président provisoire depuis le message de « Julie » du 08 septembre qui en intimait – en quelque sorte – l’ordre… La boucle se boucle : le désir est manifeste d’un retour au temps du « trésor des Templiers », qui coûte plus de dix millions d’euros à l’établissement, au temps de l’université en « open-bar » où l’on se servait sans vergogne au détriment du service public. Cela dit, « Julie » n’est ici que le Mammouth qui cache le troupeau de ceux qui ne conçoivent l’université qu’assujettie à leurs propres règles, et non à celles d’une bonne gestion d’un établissement public. Dans l’attente, par un calcul sans doute faux, certains pensent encore disposer d’un contrôle suffisant du conseil d’administration pour imposer cette élection provisoire (qui ne s’est jamais vue ailleurs), puis préparer celle définitive dont ils espèrent qu’elle leur serait favorable. Ce scénario semble plausible, mais reste insuffisant au regard des moyens déployés…

En effet, ce scénario est loin d’être explicatif de l’ampleur des manœuvres qui se déroulent, dont les lobbyings intenses et variés, en particulier auprès du ministère des Outre-Mer. S’agiter ainsi pour de simples élections internes à une université semble bien démesuré ! C’est donc, forcément, qu’il existe autre chose, mais quoi ? Les indices sont fournis par les vice-présidents de pôle eux-mêmes depuis quelques mois. Le vice-président du pôle Martinique, lors de la présentation des statuts de l’université sur le pôle Martinique en mars 2016, prend des positions qui provoquent des questionnements chez les membres de la commission des statuts sur son réel attachement à l’université des Antilles. Le vice-président du pôle Guadeloupe s’affirme nettement en faveur de l’université de Guadeloupe dans Carib Créole News le 07 septembre 2016, ce qui est son droit. Mais alors pourquoi signe-t-il « vice-président de l’université des Antilles », ce qu’il n’est pas ? Ce même média rend un hommage appuyé au vice-président du pôle Martinique. Etrange, non ? N’ayant obtenu ce qu’elle désirait par la voie législative, parce qu’une majorité des étudiants, de la société civile et des milieux économiques s’y opposait, la coalition actuelle cherche à profiter de la fenêtre offerte par les élections présidentielles nationales pour remettre la question des universités de Guadeloupe et de Martinique à l’ordre du jour. Peut-être que nos vice-présidents de pôle se voient déjà nommés présidents de ces hypothétiques établissements en espérant une nomination ministérielle comme à l’université de Guyane ! De ce point de vue, la démission de madame Corinne Mence-Caster des fonctions de Présidente de l’université des Antilles aura bousculé les stratégies, jouant le rôle de révélateur, et forçant certains protagonistes à une improvisation brouillonne.

De la part des coalisés actuels, je n’ai pas encore vu l’expression de projet universitaire sérieux sous-tendant leur revendication. En tout cas, je n’ai pas vu l’expression d’idées nouvelles par rapport au très récent débat des années 2014-2015 sur cette même question et qui justifieraient d’y revenir. En revanche – comme je le rappelais plus haut –, il me semble voir ici s’avancer, plus ou moins masqués derrière cette revendication, le cortège de ceux qui veulent considérer l’université comme un lieu où l’on peut exercer son (dérisoire) pouvoir, si possible en se servant au passage, souvent au détriment des missions universitaires. Entre l’exercice de deux fonctions, potentiellement en concurrence, au CNAM et à l’université par Jean-Emile Simphor, les achats somptuaires de Didier Destouches, pour équiper son bureau d’enseignant-chercheur au sein du nouveau bâtiment recherche, et les petits arrangements que l’on constate ailleurs, je crains des dérapages dont je me demande combien de degrés (dans le dévoiement du service public, la mégalomanie…) les séparent du « palais des Templiers » que Fred Célimène voulait construire pour le CEREGMIA…

Cependant, j’ai toute confiance dans notre communauté pour qu’elle choisisse un autre avenir que celui-là.



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